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Rapport alternatif pour la Convention d’Istanbul

La Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe est actuellement l’instrument de droit international le plus élaboré et strict pour lutter contre les violences faites aux femmes. Elle établit des standards minimum pour le cadre légal, la prise en charge des victimes et l’accès aux droits pour toutes les personnes séjournant sur le territoire, avec ou sans papiers. C’est donc avec joie et espoir que nous avons accueilli en mars 2016 la nouvelle que la Belgique a ratifié cette convention et s’engage désormais à appliquer ces standards.

Comme il est prévu dans la Convention, une première évaluation des efforts des gouvernements belges pour mettre en pratique la Convention a lieu trois après la ratification. Le 18 février était la date limite pour le gouvernement fédéral de soumettre son rapport officiel au GREVIO, le comité indépendant d’expert.e.s qui doit évaluer les efforts des autorités publiques belges en matière de lutte contre les violences. Une coalition d’associations féministes, sous l’initiative de la Voix des femmes, c’est formée en décembre 2017 pour rédiger un rapport alternatif qui a été également envoyé au GREVIO pour critiquer les lacunes des politiques belges. Les expert.e.s étudieront les deux rapports, viendront voir de leurs propres yeux comment la Belgique met en œuvre la Convention lors d’une visite en septembre et rédigera un rapport d’évaluation qui pointera les points forts et faibles, avec des recommandations à la clé. Tout ce processus a l’objectif d’orienter les efforts des pouvoirs publics dans le bon sens.

Rédiger un rapport alternatif, c’est un exercice qui demande une longue haleine. La Voix des femmes a traduit et adapté le questionnaire officiel du GREVIO et l’a envoyé à des dizaines d’associations de terrain des deux côtés de la frontière linguistique. Pendant quelques mois, elles ont récolté les réponses et ont rédigé une première version de rapport reprenant et organisant toutes les informations reçues. Dans une deuxième phase, un noyau dur d’une dizaine d’associations féministes francophones et néerlandophones c’est penché sur ce projet de rapport pour le rendre plus lisible et compréhensible et pour élaborer des recommandations concrètes pour chaque chapitre. Dix recommandations ont été choisies comme prioritaires par toutes les associations participant à ce processus intense, en premier lieu la demande d’investir 2% du PNB (c’est à dire ce que coûtent les violences faites aux femmes à la nation) dans la lutte contre les violences.

Et l’autodéfense féministe dans tout ça ? Garance était évidemment impliquée tout au long de ce processus, mais ce n’était pas chose facile d’y faire valoir l’autodéfense féministe. Il faut savoir que la Convention d’Istanbul est très pointue sur les types de loi, de services pour les victimes etc. – donc des mesures qui entrent en force une fois qu’une violence a été commise. Mais la prévention primaire, donc tout ce que l’on peut faire pour que la violence ne se manifeste même pas, reste un parent pauvre, même dans la Convention d’Istanbul. Seul l’article 12 (et, dans une moindre mesure, l’article 14), qui vise la promotion d’un changement dans les comportements sociaux et culturels, notamment en luttant contre des préjugés et stéréotypes, peut être lu dans ce sens. Malheureusement, il reste vague par rapport aux formes que ces mesures pourraient prendre. Les états ayant ratifié cette convention reçoivent donc peu d’encouragement et peu de conseils sur le comment de cette transformation sociale qui est nécessaire pour éliminer les violences envers les femmes à la racine.

Heureusement, une étude du Parlement européen existe qui établit que l’autodéfense féministe répond tout à fait aux exigences de l’article 12. Sur cette base, Garance a élaboré une évaluation de la situation actuelle de l’autodéfense féministe en Belgique. Et elle est loin d’être rose. Malgré les efforts de Garance et d’autres associations qui proposent de l’autodéfense féministe, nous touchons actuellement 0,16‰ de la population féminine belge. A cette vitesse-là, jamais toute la population féminine de Belgique n’aura accès à l’autodéfense féministe. C’est pourquoi nos recommandations visent une augmentation significatif de cette couverture à 5% en 2025 et 10% en 2030, grâce à un programme structurel qui permet de former plus de formatrices et de créer des conditions de travail permettant à se concentrer sur cette activité au lieu de constamment devoir se battre pour survivre.

Nous avons envoyé cette analyse directement au GREVIO mais nous avons aussi pu intégrer une partie d’entre elles dans le rapport alternatif commun des associations féministes. Nous avons aussi mis à disposition notre expertise en matière de prévention pour la rédaction finale du chapitre sur ce sujet. Maintenant il reste à voir ce qui restera à l’arrivée de tout ce travail. En tout cas, les bases sont jetées pour un plaidoyer ferme pour l’autodéfense féministe après les élections de mai.

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