Ce 8 mars 2023, comme ces dernières années et tant qu’il le faudra, Garance prendra part à la grève féministe !
Nous y prenons part avec toutes nos casquettes, à la fois en tant que femmes*, féministes et travailleuses du secteur non-marchand.
Violences sexistes et sexuelles, toujours le lot quotidien
Les violences envers les femmes parce qu’elles sont femmes n’ont pas cessé. Elles sont même en recrudescence depuis la crise sanitaire. Et nous savons pertinemment que la vulnérabilisation économique et sociale, accentuée par la crise économique actuelle, expose particulièrement aux violences liées au genre et rend plus difficile la possibilité d’y faire face. Qu’il s’agisse de quitter un partenaire violent, d’avoir recours à des services juridiques, d’accéder aux soins (généraux ou en santé mentale) ou de défendre ses droits dans un contexte de travail sexiste. Un patriarcat aux conséquences d’autant plus désastreuses qu’on se trouve au croisement de plusieurs oppressions. Nous pensons aux femmes sans-papiers, que l’absence de régularisation rend plus vulnérables aux violences sexistes et sexuelles puisqu’elles ne peuvent ni dénoncer ni, dans le cas du travail, se protéger sans risquer l’expulsion du territoire ni recourir au système de soins de santé (l’aide médicale urgente étant très difficile à saisir). Nous pensons également aux femmes en situation de handicap, dont la position sociale spécifique à l’intersection du sexisme et du validisme expose 2 à 10 fois plus aux violences que les femmes en général ou aux minorités sexuelles et de genre dont l’identité en dehors du prisme de l’hétérocispatriarcat expose aux effets conjugués du sexisme et des LGBTQIAphobies.
Dans le patriarcat, les enfants sont également particulièrement vulnérables vu l’ampleur des violences intrafamiliales dans un système qui ne leur apprend ni à reconnaitre leurs limites ni à la légitimité de les défendre. Leurs droits fondamentaux sont bafoués quand les tribunaux de la famille, au moment de décider de la garde et du droit de contact, ne tiennent pas compte des éventuelles violences conjugales entre leurs parents dont iels sont victimes. Quant aux stéréotypes sexistes, ils continuent de peser sur le développement et l’autonomie des filles et ce, dès le plus jeune âge.
Nous n’oublions pas non plus les 24 féminicides en 2022 et les 3 en ce début 2023, sachant qu’il s’agit seulement de la partie émergée de l’iceberg.
Tant que nous vivrons dans un système qui engendre et banalise les violences sexistes et sexuelles envers les femmes*, les minorités sexuelles et de genre et les enfants, nous continuerons de nous mettre en grève !
Sous-financement de la prévention : un manque de volonté politique !
Bien que la prévention primaire soit le moyen le plus efficace (et même le moins coûteux) pour lutter contre les violences basées sur le genre, les moyens qui y sont investis restent insuffisants. Dans les faits, il n’y a toujours pas de financement structurel à hauteur de nos besoins. Certes les appels à projets avec une perspective de genre se multiplient, mais cela occasionne une mise en concurrence des asbl et collectifs féministes. Les marchés publics nous réduisent à des simples fournisseuses de service et font glisser la lutte contre les violences dans le champs commercial. Non seulement, cela nous oblige à consacrer un temps de travail (qui nous manque déjà cruellement pour accomplir l’ensemble de nos tâches) à la réalisation de ces dossiers, mais en plus sans garantie ou pour gagner des montants qui sont insuffisants.
Nous déplorons également que les investissements publics se concentrent surtout sur la sensibilisation et la répression plutôt que sur la prévention. C’est un choix qui en dit long sur la volonté politique réelle de sortir du patriarcat.
Tant que la lutte contre les violences envers les femmes*, les enfants et les minorités de genre ne sera pas une priorité politique des pouvoirs publics, nous seront en grève !
On ne prévient pas les violences en étant à bout de souffle !
Si nous réalisons notre travail de prévention primaire des violences basées sur le genre avec toujours autant de conviction et de motivation, nous ne pouvons faire l’impasse des conditions dans lesquelles nous devons le réaliser. Le secteur du non-marchand, pourtant essentiel à la bonne marche de la société, est depuis longtemps sous-financé. A force de travailler avec des bouts de ficelles, nous assistons à l’épuisement de ses travailleuses et travailleurs. Un sous-financement qui, en plus de pénaliser nos bénéficiaires impacte donc d’autant plus les femmes qu’elles sont majoritaires dans ce secteur d’activités professionnelles. Cet investissement insuffisant occasionne la précarité des travailleuses (les femmes sont majoritaires dans les contrats à temps partiel non choisis ou les contrats à durée déterminée avec pour conséquence directe qu’elles auront une pension plus faible ) et oblige le secteur associatif à faire reposer une partie de sa survie sur le travail non rémunéré : stages, bénévoles, heures supplémentaires « offertes » à l’employeur car il n’y a même pas le temps de les récupérer, ni les moyens pour les payer.
En outre, les femmes sont directement impactées par toutes les réformes récentes (pensions, crédits-temps). Le gender-mainstreaming n’était-il pas la promesse qui nous avait été faite qu’on tiendrait compte de l’impact des décisions politiques sur les femmes ?
Tant que les femmes*, travailleuses et bénéficiaires, seront impactées par les mesures gouvernementales, nous seront en grève !
Nous faisons également grève en solidarité avec toutes les femmes* qui ne le peuvent pas parce qu’elles doivent se battre au quotidien pour leur survie (femmes sans-papiers ; femmes en situation de handicap ; mères solo). Mais une grève féministe va au-delà du travail salarié, c’est également la grève du travail reproductif c’est-à-dire de tout le travail invisible (et gratuit) des femmes *.
Nous serons en grève ce 8 mars et tant qu’il le faudra. Lutter contre les violences faites aux femmes, aux minorités sexuelles et de genre et aux enfants nécessite davantage qu’une marche annuelle à laquelle participent même celles et ceux qui contribuent à ne pas en faire une priorité politique !
C’est pourquoi nous encourageons toutes les femmes à rejoindre la grève féministe et à s’arrêter le 8 mars afin de souligner le caractère essentiel du travail, visible et invisible, des femmes dans le fonctionnement de la société. Montrons que lorsque les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête !
* Femmes : selon autodéfinition
Nous revendiquons :
- Un financement structurel du secteur non-marchand et de la prévention primaire des violences basées sur le genre, à hauteur des besoins réels. Les associations actives dans la prévention des violences doivent être financées de façon pérenne et suffisante. Nous ne pouvons plus perdre notre temps et nos ressources à répondre à des demandes de subsides éparses et éphémères. Ce financement doit également être à la hauteur des besoins car nous ne pouvons plus faire le travail de 10 personnes en étant 4 ni faire le choix entre notre auto-préservation et les besoins urgents et importants des publics avec lesquels nous travaillons. Les montants actuellement prévus dans les différents plans contre les violences, bien qu’ayant augmentés avec les années, sont insuffisants par rapport aux besoins du secteur.
- Mettre en place des formations obligatoires et régulières à destination de tou·te·s les agent·e·s de l’Etat, du personnel des secteurs psycho-médico-sociaux, judiciaire et de l’enseignement. Ces formations doivent permettre de comprendre le continuum des violences faites aux femmes, aux enfants et aux minorités sexuelles et de genre, les mécanismes de violences entre partenaires et d’intervenir de manière adéquate. Elles doivent être données par des actrices reconnues de la société civile et selon des critères de qualité établis par celle-ci.
- Donner les moyens à toutes les associations de rendre leurs outils et services accessibles aux personnes socialement vulnérabilisées comme les personnes en situation de handicap (adaptation en langue des signes, FALC, infrastructures, accès PMR, formation du personnel) et les personnes ne parlant pas ou difficilement le français ou le néerlandais (traduction, interprétariat). Cela passe aussi par la diversification des moyens de communication afin de lutter contre la fracture numérique.
- Construire un centre d’expertise autonome. Mettre en place un centre autonome d’expertise féministe sur les violences à l’égard des femmes et des filles qui livre des analyses et données pour informer toute décision politique de leur impact sur la prévention (ou l’aggravation) des violences et dont l’avis devrait être pris en compte.
- Garantir une sécurité et une autonomie financière à toutes notamment via l’individualisation des droits sans perte de revenu, l’augmentation du revenu d’intégration sociale au-dessus du seuil de pauvreté, l’allègement des démarches administratives et l’automatisation de l’accès au RSI.
- Garantir un logement pérenne de qualité pour toutes. Les pistes d’action sont nombreuses du côté des associations pour le droit au logement, des maison d’accueil maternelles et des associations d’aide aux personnes sans-abris.
- Garantir un accès à la santé à toutes notamment via une couverture maladie gratuite et universelle.
- Ne laisser personne sur le côté. La situation des personnes les plus précarisées doit orienter l’ensemble des politiques publiques plutôt qu’être considérée comme marginale ou non prioritaire.
RENDEZ-VOUS :
Rejoignez-nous pour dénoncer le sous-financement de la prévention primaire des violences basées sur le genre !
Quand : le 8 mars à partir de 11h
Où : Devant la colonne du Congrès à Bruxelles