Solidaires et en action

Être un·e voisin·e allié·e contre les agressions domestiques en temps de crise.

Dans les contextes de crise, les violences faites aux femmes et aux enfants s’accentuent. Certains comportements violents ou malveillants sont supportables lorsque nous ne les subissons pas toute la journée, mais le confinement modifie radicalement cette situation. Les violences domestiques (conjugales ou intrafamiliales) ne sont pas une affaire privée, elles sont le produit d’un système de domination des hommes sur les femmes et les enfants. Pour lutter contre les violences, nous pouvons nous sentir concerné·e·s même si nous n’en sommes pas la cible directe. Dans un moment où nous sommes replié·e·s sur nous-mêmes, dans nos lieux de vie et coupé·e·s d’une partie de nos ressources, la solidarité est essentielle ! Si nous entendons des cris inquiétants, nous pouvons mettre en place des actions pour stopper la violence ou au moins la limiter. Voici quelques idées d’action pour différents cas de figure.

Ne pas prendre part au climat sexiste ambiant. Une chose est primordiale pour que l’augmentation de la violence cesse : stopper sa banalisation. Dans ce climat, il semble important de continuer de répéter, inlassablement, que les blagues sur « comment faire en sorte que notre femme ne nous emmerde pas pendant le confinement », banalisent l’incitation à la violence, les blagues du genre « le gouvernement a réussi à faire ce que les femmes n’ont pas réussi : fermer les bars et les stades de foot », minimisent l’impact du sexisme sur la qualité de vie des femmes. Nous ne sommes pas rabat-joie et si nous devons l’être, nous l’assumons : les blagues sexistes ne sont pas drôles, elles banalisent la violence et maintiennent de manière invisible un système d’oppression en place. C’est grave. Particulièrement en temps de crise où nous avons besoin d’être solidaires les un·e·s avec les autres. Nous pouvons dans nos discussions et nos interactions quotidiennes prendre position pour soutenir les femmes et visibiliser la violence des systèmes de domination patriarcale, mais aussi raciste ou validiste.

Faire confiance à notre intuition. Parfois, lorsque nous entendons des bruits de casse, des cris ou des pleurs chez nos voisin·e·s, nous pensons que nous sommes en train de nous faire des idées ou que ce n’est probablement pas ce que l’on pense… Nous avons tendance à dédramatiser. Dans ces cas-là, il est sans doute préférable de faire quelque chose pour vérifier que nos voisines et leurs enfants sont en sécurité que de se dire que c’est nous qui nous faisons des idées. Vérifier permet d’avoir une réaction adaptée à la situation puisque cela nous donne le temps de réfléchir à ce que nous pouvons mettre en place s’il y a réellement de la violence dans le domicile d’à côté.

Intervenir au domicile

  • Entrer en contact. Même si cela fait des mois que nous entendons des cris, nous pouvons intervenir pour aider notre voisine, ça vaut le coup. Nous pouvons sonner chez nos voisin·e·s ou juste tenter un contact visuel avec notre voisine, en particulier si une personne est en train de la dénigrer en public. Un sourire, un regard bienveillant et soutenant peuvent avoir un impact important et redonner du courage à la personne qui subit des violences. Cela valide auprès d’elle que nous savons que quelque chose d’anormal et de grave se passe. Cela permet aussi d’avoir une base pour engager une future conversation avec la personne visée par les violences. Cela permet également d’évaluer la situation, surtout si nous arrivons à voir la victime.
  • Prétexter une excuse pour interrompre la situation. Lorsque nous sonnons chez nos voisin·e·s , nous pouvons inventer que nous n’avons plus de sacs-poubelle ou que nous avons un problème de réseau et voulons savoir si c’est pareil pour elles·eux. Arrêter la situation par quelque chose qui n’a rien à voir peut stopper l’agression, au moins sur le moment.
  • Trouver de l’aide. Pour nous aider à intervenir et à mettre en sécurité la victime, nous pouvons être plusieurs (proches, autres voisin·e·s…) afin de nous donner du courage et nous arranger pour que la situation soit moins dangereuse pour nous. Le nombre peut aussi décourager l’agresseur. Si notre voisine présente des marques de coups et/ou que les violences continuent après notre intervention, nous pouvons appeler la police (en Belgique : 101) en disant que nous avons vu qu’elle était blessée.
  • Confronter l’agresseur. Si nous choisissons cette stratégie, il est vraiment important d’être vigilant·e : 1) à ne pas prendre notre voisine à témoin ; ce serait très risqué pour elle d’aller dans notre sens à ce moment-là ; 2) à ne pas citer des faits dont nous n’avons pas été témoin directement, sinon l’agresseur risque de nier les faits et rejeter notre intervention ; 3) à parler depuis notre point de vue, avec ce que nous avons vu ou entendu. Cette confrontation doit rester entre nous et l’agresseur. La victime ne doit pas être tenue responsable de la violence. Lorsque nous nous préparons à confronter l’agresseur, il est important d’avoir en tête que la victime peut être exposée ensuite à des représailles.
  • Rester concentré·e·s sur nos actions. Nous pouvons tenter de nous focaliser sur ce que nous avons prévu de faire pour ne pas entendre les commentaires et la violence verbale dont il pourrait faire preuve envers nous. Nous avons le droit d’intervenir et de porter secours à une personne en danger, c’est de la légitime défense.

Dans tous les cas, pensons que les mesures d’hygiène restent nécessaires, même dans l’urgence. Dans le contexte du COVID, si nous décidons d’intervenir, nous devons le faire en veillant à notre santé et à celle des autres : garder les distances de sécurité, pas de contact physique, avoir des protections (masque, gants...)…

Soutenir la victime

  • Trouver un moment pour partager nos inquiétudes avec la victime. Pour cela, nous pouvons attendre de croiser notre voisine dans l’escalier ou guetter le moment où elle sort les poubelles, promène son chien… Nous pouvons même sonner chez elle quand nous sommes sûr·e·s que la personne violente n’est pas au domicile. C’est l’occasion de l’inviter à discuter, en disant par exemple : « Je ne sais pas très bien de quelle manière vous en parler, car je ne voudrais pas vous blesser, mais l’autre jour, j’ai entendu votre mari crier très fort, et je me fais du souci pour vous. Je voudrais juste que vous sachiez que si jamais vous avez besoin de quelque chose, vous pouvez toujours sonner chez moi. »
  • Ne pas la juger. Il est essentiel de ne pas juger sa situation ou son partenaire, car cela risque de pousser notre voisine à se replier sur elle-même, voire à défendre l’agresseur. Mais si elle refuse de nous parler, nous devons respecter son choix. C’est à elle de décider ce qu’elle veut faire et quand c’est le bon moment pour elle. Pour ne pas paraître envahissante, évitons de poser des questions trop directes, car nous risquons de paraître envahissant·e. Mettre en avant nos propres expériences notre point de vue ou celui des autres personnes, c’est à éviter car elle pourrait se sentir dévalorisée. Il ne s’agit pas de nous et nous avons chacun·e des modes de réaction différents.
  • Partager nos ressources. Tout d’abord, nous pouvons valoriser tout ce que notre voisine a déjà mis en place pour maintenir sa sécurité chez elle. Dans cette situation, il est important qu’elle puisse se rendre compte à quel point elle est courageuse. Ensuite, nous pouvons proposer de réfléchir aux stratégies qu’elle pourrait développer pour se sentir et être plus en sécurité : trouver des parades lorsqu’elle sent que son partenaire risque de devenir violent, se réfugier chez nous, avoir toujours un sac prêt pour aller se confiner ailleurs, réfléchir à comment négocier avec la personne violente si c’est possible…
  • Aller au rythme de la personne concernée. Tant que la victime se trouve dans une emprise émotionnelle, elle risque de se sentir mal comprise et risque de prendre la défense de l’agresseur. Nous pouvons qualifier les actes de l’agresseur comme n’étant pas normaux, mais attention à ne pas mettre trop de mots sur son vécu. La violence est un comportement appris qui ne changera pas tout seul. La victime n’a pas le pouvoir de changer l’agresseur ou son comportement. Elle ne peut changer que le sien face à la violence, pour cela, il est essentiel d’aller à son rythme pour l’accompagner, même si nous voudrions que la situation change plus rapidement. Nous devons lui faire confiance même si nous avons peur pour elle.

Ne pas s’isoler avec cette situation

  • Prendre soin de soi. En tant que témoin, la situation peut être très dure à vivre et même traumatisante. Cela ne doit pas peser sur la victime, elle n’y est pour rien, elle n’a pas choisi de nous exposer à cette violence. Il est important de prendre soin de nous dans ces situations afin de pouvoir trouver l’énergie et la patience nécessaire pour continuer à être solidaires. La violence, même si elle n’est pas dirigée contre nous, peut nous blesser. Faire des choses qui nous font du bien permet de nous réparer.
  • Trouver des allié·e·s. Dans les situations où nous apportons du soutien, il semble important de pouvoir nous décharger auprès d’un·e proche qui ne vit pas la situation en lui exprimant nos émotions, nos doutes et nos peurs. La ligne d’écoute violences conjugales - en Belgique 0800 30 030 - est aussi faite pour écouter et soutenir les témoins et les soutiens des victimes de violence. S’il s’agit d’enfants, nous pouvons appeler la ligne Ecoute-enfants, le 103.

Les situations de violence sont difficiles à gérer, elles demandent du courage pour intervenir en tant que témoin. Contre la violence, la solidarité est notre force ! Ne laissons aucune femme et/ou ses enfants isolé·e·s face à la violence de son partenaire ou de ses parents.

Si vous souhaitez approfondir votre lecture, Garance a également édité deux autres articles :
Se protéger contre les agressions en temps de confinement
Prévenir (plutôt que guérir) les violences : nos revendications


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