Se protéger contre les agressions en temps de confinement

Le confinement n’empêche pas de poser
nos limites face à la violence !

La situation actuelle de crise sanitaire affecte nos possibilités de mobilité et nos ressources financières et nous coupe, au moins physiquement, de liens affectifs. Le confinement nous pousse à repenser nos stratégies d’autodéfense lorsqu’une personne proche dépasse nos limites ou est violente avec nous. A Garance, nous définissons l’autodéfense féministe par tout ce que nous pouvons faire pour assurer notre sécurité et augmenter notre capacité à agir. Voici quelques pistes de ce que nous pouvons faire en tant que femmes [1] pour notre propre sécurité en temps de confinement…

  • Être à l’écoute de son corps : Il nous envoie des signaux d’alarme ! Parfois, on sent que ça va arriver, que la violence va « nous tomber dessus », c’est notre intuition qui parle. Lorsque nous sentons que le ventre se serre ou que la gorge se noue, que les muscles se tendent ou qu’on a les mains moites, c’est que nos limites ont été franchies : nous avons alors le droit de poser nos limites et de nous défendre.
  • Prendre soin de soi, se faire du bien : C’est une forme de résistance en soi qui déjoue l’objectif d’une personne violente (nous faire du mal) et qui augmente notre capacité à nous remettre de ce qui nous arrive. Cela nous permet d’évacuer l’adrénaline qui monte lorsque nous avons peur ou lorsque nous sommes en colère. Nous pouvons nous créer une liste de choses à faire pour calmer notre corps (manger, prendre une douche, écouter de la musique, caresser le chat…), pour mettre l’agression à distance au moins le temps d’un film, d’un jeu vidéo… Réfléchir au problème en appelant un·e ami·e pour en parler ou une ligne d’écoute (en Belgique 0800 30 030) peut soulager aussi. Une manière de prendre soin de soi est aussi de baisser nos attentes envers nous-mêmes et envers les autres : on fait ce qu’on peut et c’est déjà beaucoup ! Ce n’est pas de notre faute si quelqu’un·e dépasse nos limites ou nous agresse, nous ne sommes pas responsable de cette violence !
  • Laisser couler et respirer : La violence commence souvent par des remarques blessantes. Lorsque nous sommes enfermé·e·s avec une personne malveillante, nous pouvons tenter d’ignorer ces propos dénigrants pour qu’ils ne nous touchent pas et ne pas risquer une escalade de la violence. Faisons-nous confiance et respirons profondément ! Parfois, décider de ne rien faire consciemment et focaliser nos pensées sur autre chose, c’est faire quelque chose d’efficace pour être en sécurité. Lorsque nous n’avons pas envie de répondre, nous pouvons aussi signifier que nous entendons l’autre et prononcer deux syllabes sur un ton sérieux : « oui, oui », « okay », « hum, hum ».
  • Organiser son environnement : Nous pouvons choisir à tout moment où et avec qui passer le confinement. Mieux vaut être avec une personne non-violente en qui nous avons complètement confiance. Nous pouvons tenter de nous créer un environnement confortable et renforçant en nous entourant d’objets ou de photos qui nous rappellent de bons souvenirs, de couleurs rassurantes, d’odeurs apaisantes... Cela peut aussi être rassurant de rendre moins accessibles ou de cacher des objets que la personne violente pourrait utiliser contre nous (ex. des couteaux de cuisine). Nous pouvons réfléchir à aménager l’espace de manière à rendre la fuite plus facile au besoin. Une autre possibilité est d’organiser notre habitat ou notre chambre pour avoir à portée de main des objets pour nous protéger (une chaise pour parer d’éventuels coups, un spray-déodorant pour aveugler...).
  • Renforcer ce qui fonctionne déjà : Nous sommes généralement confiné·e·s avec des proches que nous connaissons relativement bien. Nous avons donc déjà expérimenté ce qui fonctionnait pour qu’une agression ne se produise pas ou ne s’aggrave pas. Nous pouvons lister dans notre tête (ou sur un bout de papier à garder bien secret) tout ce que nous faisons déjà qui permet d’éviter la violence en temps normal. Les meilleures stratégies, ce sont les nôtres, celles qui fonctionnent pour nous-mêmes.
  • Trouver des allié.e.s : Même confiné·e·s, nous pouvons chercher de l’aide ! Le plus efficace est de prévenir à l’avance les personnes qui pourraient le faire. Nous pouvons dire à nos voisin·e·s - ou glisser un message dans leurs boîtes aux lettres - que s’illes nous entendent crier ou des bruits de casse, illes peuvent venir voir ou appeler la police (101). Illes se sentiront alors plus légitimes d’intervenir dans une situation trop souvent perçue comme « privée ». Nous pouvons dire à une personne de confiance que si nous l’appelons sans parler ou si nous lui envoyons un message sans texte, c’est pour indiquer qu’elle vienne voir ou appelle pour savoir ce qui se passe ou pour distraire la personne violente. Ou encore, appeler un·e proche pour réfléchir à quelles stratégies nous pouvons mettre en place pour rester en sécurité pendant le confinement.
  • Désescalader : Lorsque la personne avec qui nous sommes confiné·e·s est en train de péter les plombs, de devenir toute rouge, de crier, d’être en colère contre le monde entier… nous sommes dans une situation dangereuse pour notre intégrité physique. L’autre a alors accumulé trop d’adrénaline, et cela l’empêche de réfléchir calmement et le pousse à se décharger par la violence, y compris physique. L’objectif va être de faire en sorte que la personne se calme en prenant l’autre au sérieux, en cherchant à le comprendre, en lui donnant raison et en lui donnant ce dont il a besoin : « Je comprends que tu sois énervé·e parce que le wifi ne marche plus, c’est vraiment super agaçant, est-ce que tu veux je te fasse un petit jus d’orange en attendant ? » C’est difficile car cette stratégie demande de nier nos émotions, mais c’est temporaire et c’est pour notre sécurité. Fuir et confronter est trop dangereux à ce moment-là. Une fois que la personne s’est calmée, nous pouvons revenir sur la situation et voir avec elle comment elle pourra éviter ce genre d’explosion à l’avenir sans que nous devions prendre sur nous.
  • Clarifier les règles : Si on nous manque de respect, nous pouvons répondre verbalement à l’agression en énonçant clairement sur quel mode nous voulons bien interagir : « Je veux bien qu’on continue à parler mais seulement sur un ton plus calme ». Si ça ne fonctionne pas du premier coup, nous pouvons nous répéter en boucle jusqu’à ce que l’autre fasse ce que nous lui demandons.
  • Organiser la fuite : Il peut être plus difficile de fuir en temps de confinement que d’ordinaire, mais vous pouvez trouver des excuses pour sortir de la maison : « Je ne me sens pas très bien, je vais aller à la pharmacie » ou « Mince ! J’ai oublié d’acheter du beurre pour la vieille voisine ! » Sortir permet de se calmer, d’éviter une agression et/ou d’aller chercher de l’aide. Quand c’est possible, nous pouvons déménager de lieu de confinement en allant chez un·e proche. Au cas où, nous pouvons préparer à l’avance un petit sac avec nos papiers, de l’argent, un double des clés et notre nécessaire pour quelques jours.
  • Riposter physiquement : Si nous sommes en danger physique (coups ou rapport sexuel forcé) et qu’il n’y a pas d’autre possibilité pour stopper la violence, nous avons le droit de nous défendre physiquement. C’est de la légitime défense. Pensons aux parties les plus vulnérables du corps de l’autre et à comment les atteindre. Parfois, il est plus facile de s’aider d’objets pour porter un coup. Le but de la défense physique n’est pas de « gagner », mais de pouvoir nous mettre en sécurité, soit en fuyant, soit en écartant la personne violente de notre domicile.

Ce qui fonctionne le mieux est de combiner différentes stratégies et de faire les choses qui nous sont les plus familières. Lorsque nous posons nos limites, ou nous défendons, il peut y avoir un risque de représailles physiques ou verbales, sur le moment ou plus tard. Nous n’y sommes pour rien. Nous mettons en place des actions pour nous sentir et être plus en sécurité. Ce n’est pas de notre faute si l’autre ne veut pas entendre ou comprendre qu’ille ne nous respecte pas. Se défendre, particulièrement en temps de confinement, demande de l’endurance et du courage. Pour cela, il est nécessaire de continuer à tenir en faisant des choses pour maintenir notre sécurité du mieux possible. Nous avons de la ressource, nous sommes forte, nous méritons et nous avons le droit d’être libres et en sécurité !

Si vous souhaitez approfondir votre lecture, Garance a édité deux autres articles sur la crise sanitaire et les violences en temps de confinement :
Solidaire et en action
Prévenir (plutôt que guérir) les violences : nos revendications


[1« Femmes » inclut ici toute personne vulnérabilisée par son genre dont toutes les personnes trans et non-binaires.


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